Extrait du compte rendu du colloque évènement réunissant les acteurs de l’entreprise et de l’enseignement technologique lors du centenaire de l’ICOF de Lyon, en novembre 2016, par Patrick Ducher, auteur du livre “Entre Preneurs de Jobs”.
Parfois décriée, choisie par défaut, mais surtout méconnue, la filière de l’enseignement technologique change de visage au 21ème siècle, pour devenir une alternative à des études longues qui mènent certains à des impasses. L’ICOF forment de futurs cadres, des entrepreneurs, adaptés aux “métiers 3.0” à travers un accompagnement humain et spirituel mettant l’accent sur la formation, le savoir-être en entreprise et l’adaptabilité.
Sur quels critères les entreprises recrutent-elles : Expérience, diplôme ou savoir-être ? Recruter, c’est choisir une personne ET une personnalité, tout en partageant les mêmes valeurs et la même envie de travailler ensemble. Le recruteur écoute et observe la posture des candidats, tout ce qui révèle la personnalité : “Il y a 80% de non-verbal dans un entretien : la façon dont un candidat se tient sur un siège, son regard”. À compétences égales, le savoir-être fait la différence. “Pas seulement politesse ou tenue vestimentaire, mais coordination et esprit d’équipe, des comportements fondamentaux pour travailler en mode projet”. “Quand on recrute, on recherche des capacités à faire et à apprendre ; le diplôme n’est pas une fin en soi, seulement le début de quelque chose”.
Un organisme de formation doit-il avoir les mêmes exigences que les futurs employeurs ?”
Il n’y a pas de différence fondamentale d’objectifs entre l’éducation et l’entreprise : il faut former des personnes pour qu’elles puissent s’épanouir dans leur activité. Cependant, l’arrivée dans une entreprise se prépare, car elle implique une vie différente par rapport à l’école. En formation, les élèves sont là pour apprendre et se construire. Or, la construction n’est pas la résultante d’une liste de valeurs testées face au marché. C’est la qualité de la personne qui prime. Dans l’entreprise, il leur faudra articuler leur travail avec celui des autres. Pour travailler efficacement en groupe, le savoir-faire relationnel, la capacité d’écoute et l’acceptation de la critique sont clef. Ces compétences, si utiles dans l’entreprise, seront révélées et expérimentées au cours de la formation.
De plus, la mobilité des jeunes est au cœur d’une nouvelle donne qui se dessine : “l’entreprise n’attache plus les gens pour une vie entière, mais par l’adhésion et le partage de sens, qui favorisent la cohérence. Les compétences à acquérir : ouverture d’esprit, capacité de changer, à se projeter de façon raisonnée”.
“Peut on former à l’entrepreneuriat ? “
« Les gens qui ont identifié leurs qualités, qui connaissent leurs carences et qui savent s’entourer, font de bons entrepreneurs”. La qualité première d’un entrepreneur est de donner du sens. “Un entrepreneur est un assembleur, un synthétiseur capable de structurer des choses implicites et de rassembler les équipes par sa vision ».
Si les techniques peuvent s’apprendre : monter un business plan, trouver des financements, beaucoup de choses s’apprennent sur le terrain. “Si vous dites aimer la montagne, tentez d’escalader le Mont Blanc pour voir si votre passion est réelle”. Il en va de même pour l’entrepreneuriat. L’entrepreneuriat permet à tout le monde de trouver sa place et de développer une personnalité. C’est aussi un révélateur de talents parfois insoupçonnés. Le cheminement peut être plus long pour certains et le job des enseignants consiste à les aider à réaliser leur potentiel sans se laisser impressionner par le dictat de l’apparence. Les mini-entreprises en 3ème sont une expérience prometteuse: “plus on est jeune, plus on est innovant, moins on est inhibé par les gens qui brandissent tel ou tel interdit ».
Les jeunes en apprentissage font parfaitement la différence entre la théorie et la pratique, en comparaison avec un Bac+5 dont les préoccupations sont beaucoup plus théoriques. Les Bac + 3 nouveaux entrants vivent l’entreprise de l’intérieur via le “serious game”. “On voit leur épanouissement, leur capacité d’engagement. Cela réconcilie – au sens de “rapprocher” – les professionnels, les étudiants et les enseignants ».
“Comment adapter les formations à métiers futurs ?”
Apprendre aux étudiants à apprendre : “En 2004, près d’une dizaine de métiers étaient identifiés liés au numérique : manager de réseau social, référenceur web, journaliste en ligne, développeur d’applications mobiles n’existaient pas encore”. D’ici 2030, 60% des métiers sont à inventer, dans de nombreux domaines : imprimeur 3D, contrôleur aérien de drones, architecte en réalité augmentée, gestionnaire d’identité numérique, la liste est longue. Cela implique de repenser les modèles de formation et produire des cycles courts très ciblés pour acquérir de nouvelles compétences universelles axées notamment autour de la communication, du savoir-transmettre, de la collaboration et de la coopération, de l’esprit entrepreneurial, de la résolution de problèmes, pour n’en citer que quelques-unes. En parallèle, l’école doit donc faire sa mutation pour rester en lien avec la société : développement de pédagogie de différenciation, de partenariat avec des entreprises, des usages numériques (ce sont les jeunes qui devront “mentorer” les seniors !), éducation aux médias et au traitement de l’information seront autant de leviers à activer. Le développement de supports auto-apprenants tels que les MOOC est un axe suivi par l’ICOF. “L’enseignant n’est plus la seule source de savoir, mais il se doit de guider”. L’avenir est de former, non pas à des métiers mais à des profils qui vont aider les entreprises, les institutions, à vivre leur transformation numérique, lancer des startups, devenir intrapreneurs (des personnes ayant une mentalité d’entrepreneurs au sein même de l’entreprise).
“Comment les enseignants deviennent acteurs de ces changements ?”
Attentif aux mutations en cours, les formateurs adaptent leurs méthodes. Leurs rôles évoluent, ils ne sont plus les seuls à dispenser du savoir. Ils deviennent des facilitateurs, des animateurs, en prise directe avec le monde de l’entreprise. Le formateur doit susciter l’adhésion à un programme, être attentif aux éléments de langage, à la façon de transmettre, au collaboratif. Le groupe d’élèves est aussi le garant de la qualité de la transmission.