La constitution de la classe en début d’année est souvent perçue par les élèves comme une contrainte, alors qu’elle est la source première de leur enrichissement. L’année scolaire vécue et traversée ensemble par les élèves et leurs professeurs constitue un apprentissage de la fraternité. Il s’agit bien de vivre ensemble, autrement dit de prendre en compte ce qui nous différencie. Celui qui reconnaît en l’autre celui qu’il n’est pas, gagne en retour l’assurance d’être une personne à part entière. Il y a dans ce chemin de rencontre deux grandes tentations : effacer tout ce qui rendrait visible la différence, ou face à l’autre, s’affirmer avec plus de force et d’orgueil. Il en existe une troisième que l’on nomme un peu vite la tolérance. Constatant une différence trop importante, j’accepte bon gré mal gré de laisser un peu d’espace vital à celui que je trouve si différent. Il y a plus exigeant que la tolérance, c’est l’humilité devant toute personne que je rencontre et que je découvre. Je peux me nourrir des qualités de l’autre, mais je peux aussi parier et croire en sa richesse. C’est d’autant plus indispensable dans une situation d’apprentissage où l’élève ne sait pas ce que va devenir son voisin de classe en quelques mois, ni le professeur, tout expert qu’il est, ne peut prédire les progrès, les qualités de l’élève qu’il accompagne quand bien même il est dans cette espérance. Non seulement cet échange me nourrit mais il laisse aussi grandir en moi quelqu’un que je ne connais pas encore très bien. Les qualités autres ou de l’autre sont des richesses et ses failles sont des portes d’entrée. Des premières je me nourris, des secondes je l’apaise ou je le soutiens.
Ce n’est pas une remarque naïve ou superficielle d’évoquer l’ambiance de la classe où l’on s’entend bien. Au sens propre du terme, il est formateur que les élèves puissent entendre toutes les voix de la classe, toutes les voix autres que la sienne, pour faire cette expérience qui consiste à apprendre aussi de ses voisins. Non seulement la voix du faible, la voix du timide, la voix du nouveau mais aussi la voix de celui qui me ressemble ou qui est si proche en compétences, en jugement, qu’il peut me concurrencer, m’effacer. L’écoute de l’autre et le regard accordé à l’autre est pourtant une leçon de l’évangile. Mais nous sommes des lecteurs rapides des paroles du Christ, nous sommes prêts à aimer notre prochain dans la mesure où, il nous est déjà proche ; mais il nous est difficile d’aimer celui que nous ne connaissons pas jusqu’à ce qu’il devienne notre prochain.
Il faut donc se réjouir de ces différences qui nous rassemblent et il est même nécessaire de pouvoir nommer ce qui nous distingue dans le sens le plus noble du terme, pour que chacun puisse être envisagé et non pas dévisagé.
Blandine Vignon, chef d’établissement, Collège Champagnat, L’Arbresle, 69
Tagué ambiance de classe, blandine vignon, collège champagnat, vivre ensemble