Collège
A quoi servent le latin et le grec ?
« Les professeurs de latin et de grec ont fait preuve d’une grande créativité pédagogique pour dynamiser l’apprentissage des langues « anciennes », surtout au collège (voyages sur les sites archéologiques, pièces de théâtre montées en latin, concours entre classes de latin et grec, Festival Européen latin et grec qui se tient à Lyon au printemps). Tout cela montre suffisamment la motivation, la ferveur et la passion qu’il est encore capable de susciter chez les professeurs et, par saine contagion, chez leurs élèves.
On a voulu voir dans cet intérêt une coquetterie d’intellectuels, un luxe bourgeois, en complet décalage avec les exigences de la « modernité » et de l' »innovation ». Pourtant, c’est dans les collèges de banlieue, précisément parce qu’ils apportent ce luxe de la culture trop souvent absente de ces quartiers, que le latin et le grec prospèrent. Nos politiques ne cessent de déplorer la fracture sociale et la perte de valeurs et de références communes. Où les trouver, sinon dans les mots, les images, les notions, les concepts véhiculés par les langues-mères qui ont enfanté notre propre langage ? La maîtrise ce celles-là permet de comprendre les subtilités de celui-ci, et contribuent à inscrire chacun dans ce champ identitaire qui nous fait non seulement peuple français, mais aussi européen.
Priver la majorité des élèves d’un enseignement de latin et de grec, c’est renoncer à leur offrir cette possibilité de comprendre comment s’est constitué le champ culturel qui les environne. Ainsi l’orthographe prendra sens à travers l’étymologie, la grammaire à travers le système des déclinaisons, les tableaux de maître, de Poussin à Picasso, à travers la mythologie, enfin les concepts politiques et philosophiques à travers l’histoire antique. On aura compris que faire du latin et du grec rend plus intelligent (de « inter-legere » = discerner entre) et ouvert à la profondeur de notre espace culturel : ce sont des continents à découvrir et des outils qui permettent d’interpréter les événements contemporains avec davantage de recul et de jugement.
La réforme, paraît-il, n’exclura pas l’enseignement des langues anciennes qui pourra trouver place dans les fameux E.P.I. (enseignements pratiques interdisciplinaires). Dans les faits, celui-ci sera soumis à de nombreuses conditions : la langue (et plus spécialement le grec) sera rarement enseignée pour elle-même car les contraintes budgétaires pousseront à réduire l’offre ; au mieux, nous bénéficierons d’un saupoudrage de notions de culture antique dans le cadre de l’interdisciplinarité, sans que l’élève puisse entrer dans un apprentissage méthodique, rigoureux et approfondi. Or c’est par l’approfondissement d’une connaissance que l’esprit acquiert un mode de pensée logique et cohérent. Ce que permet l’apprentissage du latin et le grec.
Brigitte LAGNAU, Enseignante agrégée de lettres lassiques
Ces langues ne servent à rien; Elles appartiennent aux hommes libres. Seuls les esclaves veulent les asservir.
Pr Stéphane Feye
Schola Nova (non soumise au décret inscriptions) – Humanités Gréco-Latines et Artistiques