Au lycée : rencontre avec Toumi Djaïdja, marcheur infatigable
Toumi Djaïdja, initiateur de la Marche pour l’Egalité et contre le Racisme de 1983, a rendu visite aux jeunes du Lycée Professionnel Notre Dame des Collines, à Rive de Gier. C’était le jeudi 3 Décembre 2015, soit 32 ans jour pour jour après l’arrivée triomphale de la Marche à Paris. Agé aujourd’hui de 53 ans, c’est un homme affable, discret et bienveillant qui sourit à la vie malgré le traumatisme de cette balle reçue en plein thorax lors d’une bavure policière en Juin 83.
Cette rencontre était organisée dans le cadre du nouveau programme d’Education Morale et Civique sur la question de l’exercice de la citoyenneté. La réunion a permis, non seulement de retracer l’histoire de la Marche dans le contexte social de l’époque, mais aussi d’évoquer l’actualité récente et notamment les attentats de Paris.
Toumi Djaïdja a d’abord expliqué pourquoi, alors que la violence avait atteint son paroxysme dans les banlieues lyonnaises, il avait préféré en 1983 tendre la main plutôt que de lever le poing. « Marcher, c’est aller vers l’autre, c’est une main tendue » a-t-il répondu à un élève qui lui demandait « pourquoi marcher ? ». « Notre mouvement était moral, désintéressé, fraternel et humain. J’ai découvert que l’autre, même s’il est différent est en réalité semblable ».
A Dounia qui lui demandait ensuite si la réponse aux récents attentats pouvait être la non-violence, il a rappelé la responsabilité individuelle de tout citoyen : « Il est essentiel, quand il y a un désordre, de se lever et de dire « Stop ! ». Que serait devenue la France si Jean Moulin et des milliers de Résistants n’avaient pas dit « Non à la barbarie » ? ».
Doumia : « Toumi Djaïdja ne se voit pas comme un héros. Il veut simplement dire tous ensemble, on est capable de se lever, de dire stop.
L’avancée technologique évolue sans cesse, contrairement à l’évolution spirituelle qui stagne.
Il a fait quelque chose, il a posé un acte et est allé jusqu’au bout. C’est un exemple pour nous. »
S’adressant aux enseignants présents dans l’assistance, il a salué leurs efforts pour améliorer le « vivre ensemble », tout en regrettant que dans les écoles, on s’adresse plus souvent au cerveau qu’au cœur des citoyens de demain.
A plusieurs reprises, les élèves ont applaudi spontanément cet homme de paix, un « Gandhi à la française » selon Guillaume, élève de Terminale Commerce. Et lorqu’est venue l’heure de conclure, M. Djaïdja a simplement insisté : « Il ne tient qu’à nous d’aller vers un idéal de concorde et non de discorde ! »
Guillaume : « C’est très beau. : il marche non pas pour lui, mais pour tout le monde. Chacun peut se reconnaître à travers les personnages du film. On est tous touché. »
Martine Poulain, Chef d’Etablissement du groupe scolaire Notre-Dame des Collines, 42 Rive-de-Gier
Marche pour l’Egalité et contre le Racisme, 15 octobre – 3 décembre 1983
Extrait de la biographie de Toumi Djaidja. « …Au début des années 80, les cités de France sont le théâtre de violences, notamment dans l’est lyonnais et plus particulièrement à Vénissieux dans le quartier des Minguettes. Le 21 Mars 1983, des émeutes d’une rare violence éclatent. Des affrontements entre plus de 400 jeunes et les forces de l’ordre s’y déroulent toute cette journée. Vénissieux devient la scène grandeur nature d’une « guérilla urbaine ». A la suite de cet évènement majeur, des jeunes, dont Toumi Djaidja que l’on surnommera le « meneur des Minguettes », campent pacifiquement devant la mairie, emblème de la République. Leur « sit-in » fait reculer les forces de l’ordre, anéantissant toute volonté de faire usage de la force. Il prend alors conscience de l’arme redoutable qu’est la non-violence et entame une grève de la faim. Sans le savoir il est au cœur d’un processus initiatique (dans le combat non-violent) dont « la marche pour l’égalité » est l’aboutissement et qui fera de lui le personnage-clé de cette jeunesse qui se soulève. Cette année 1983 est décisive. Le nombre de jeunes qui tombent sous les balles grossit chaque jour davantage, c’est l’été meurtrier. Les nuits sont chaudes aux Minguettes mais celle du 20 juin sera brûlante et marquera à jamais la vie de Toumi Djaidja. Un adolescent est aux prises avec un chien policier. Toumi Djaidja armé de son seul courage, lui porte assistance pour le dégager. C’est alors que le policier tire sur lui à bout portant. La bavure est flagrante et « caractérisée ». Alors même qu’il revient à la vie, Toumi déroute ses amis non convaincus en arrachant ces mots du plus profond de son être: » Il faut faire une marche ». Cette nuit tout bascule, la vie triomphe de la mort, l’amour de la haine, l’espoir du chaos. La non-violence va devenir son seul langage, et plus encore son mot d’ordre. »