Au collège, des ateliers pour amener les enfants à réfléchir sur leur façon d’agir au quotidien, pour qu’ils prennent du recul, pour que le regard qu’ils portent sur leurs camarades soit plus généreux, plus attentif, pour qu’ils maîtrisent mieux leurs réactions, leurs émotions, pour qu’ils prennent mieux en compte les émotions des autres.
Assis en cercle, les enfants sont invités à s’interroger sur leur état émotionnel du moment, à mettre des mots sur leurs ressentis et puis au fil des ateliers à se connaître un peu mieux. C’est pour eux et pour moi, un moment très fort que celui de la découverte de leurs qualités, de leurs compétences, de leurs points forts. Quelle joie de voir un enfant qui pensait ne pas en avoir, s’entendre dire avec justesse de la part de ses camarades qu’il est riche lui aussi, comme les autres, de qualités qu’il ne soupçonnait pas.
Des questions phares : « en réalité, pour être bien, de quoi ai-je vraiment besoin ? »
Les enfants se surprennent eux-mêmes. Après la première réponse rapide du téléphone et de la console de jeu, les besoins essentiels émergent… Les découvertes des uns nourrissent celles des autres : « Ah oui, moi aussi j’ai besoin d’être aimé, de mes amis, de jouer… »
Puis découverte des émotions : leurs manifestations dans le corps, leurs rôles précieux pour notre survie ou notre bien-être mais aussi les débordements qu’elles occasionnent parfois. Les échanges sont intenses sur ce sujet avec des prises de conscience, des compréhensions. Les enfants découvrent qu’une émotion peut en cacher une autre. « Je me croyais en colère mais en fait, je suis triste en vrai ». Ils comprennent aussi qu’en situation de stress, leur tête ne fonctionne plus tout à fait comme d’habitude.
Le bâton de parole tourne et les enfants partagent, s’écoutent, s’enrichissent de l’expérience des autres, se conseillent parfois. Le cadre de respect, de bienveillance, de confidentialité et de non jugement permet à chacun de s’exprimer en et les enfants sont enthousiastes pour la majorité de cet espace de parole où ils peuvent parler d’eux en toute liberté.
« Et moi ? Comment est-ce que j’agis quand je suis en conflit ? Est-ce que je me mets la tête dans le sable comme l’autruche pour ne pas voir le conflit, est-ce que je m’en plains à tous sauf à la personne concernée ou est-ce que je pique comme un hérisson ? Quelle émotion me traverse, quelles sont mes réactions ? Et celui qui est en face, de quoi a-t-il besoin en réalité dans cette situation ? »
Là encore c’est par le jeu, les histoires, les mises en situation, les conflits réels vécus en classe entre eux… que les enfants sont invités à s’exprimer autrement : dire ses émotions, parler des faits sans interpréter sur les intentions de l’autre, trouver son véritable besoin et l’exprimer sans l’imposer mais aussi écouter l’autre vraiment, essayer de se mettre à sa place et peut-être changer de regard sur la situation… pour trouver ensemble une solution qui sera gagnant/gagnant avec le plus de bienveillance possible pour l’autre mais aussi pour soi-même.
Il n’est pas facile d’oser dire ses émotions face à un camarade… Pourtant chaque fois qu’un adolescent le fait en toute authenticité, sans juger, celui qui est en face est touché et la situation se transforme d’elle-même. Un jour Dylan se plaignait des actes un peu violents de Louis sur la cour. En tête-à-tête, j’invite Dylan à dire ce qu’il ressent et Louis à lui répondre. Et là, les yeux pleins de larmes, Louis ose dire que lorsqu’on se moque de lui et qu’on le traite de « gros », ça lui fait tellement mal, qu’il ne sait plus maîtriser sa colère… parce qu’il n’aime pas être comme ça mais ne sait pas comment faire pour maigrir et il tape. Dylan est touché par ce témoignage et promet que plus jamais il ne se moquera de lui.
Une autre fois, le CPE du collège me parle d’un conflit entre une élève de 4ème et un groupe d’élèves de sa classe, conflit qui prend de l’ampleur de jours en jours. Une rencontre est organisée. Lise, d’un côté accompagnée d’une amie et en face le groupe de 8 adolescents très en colère contre elle. J’invite la parole des uns et des autres et cadre pour qu’ils citent des faits et des émotions… sans jugement. Le fait de déposer les rancœurs les attise un temps …. Et puis à un moment donné, les élèves de part et d’autres réalisent l’impact de leurs actes sur leurs camarades et surtout que celui qui est en face n’est pas si différent de lui. Les malentendus sont mis à jour… les incompréhensions s’éclairent. Et j’entends des excuses et des réconciliations. Au moment de se quitter… ils me demandent : « Mais pourquoi on ne fait pas toujours comme ça ? ».
L’atelier ne s’arrête pas à l’heure qui lui est réservée une fois par quinzaine, il s’incarne dans le quotidien de la classe et du collège et parfois on peut surprendre pendant les récréations des élèves en cercle avec un bâton… en train d’essayer de résoudre seuls un désaccord !
Pascale BRUN, professeur de mathématiques
Collège les Marronniers – CONDRIEU