au risque de former des générations « moins intelligentes »!
Un enseignement autrefois considéré élitiste et parfois présenté comme « ringard » ne bénéficie plus, sauf exception, du soutien des responsables d’établissements scolaires ni des cadres du Ministère. Aujourd’hui, en multipliant le nombre d’options proposées aux élèves, les réformes récentes ont eu pour effet de les orienter vers des enseignements optionnels jugés plus « rentables » que celui du latin et du grec. Et pour justifier le tout, on voudrait voir dans l’intérêt de ceux qui le soutiennent, une coquetterie d’intellectuels, voire un luxe bourgeois, en complet décalage avec les exigences de la modernité et de l’innovation !
De manière paradoxale, nos politiques continuent de dénoncer la fracture sociale et la perte de valeurs et de références communes. Où les trouver, sinon dans les mots, les images, les notions, les concepts véhiculés par les langues-mères qui ont enfanté notre propre langage ? La maîtrise de celles-là permet de comprendre les subtilités de celui-ci, et contribuent à inscrire chacun dans ce champ identitaire qui nous fait non seulement peuple français, mais aussi européen. Ainsi, l’orthographe prendra sens à travers l’étymologie, la grammaire à travers le système des déclinaisons, les tableaux de maîtres, de Poussin à Picasso, à travers la mythologie, enfin les concepts politiques et philosophiques à travers l’histoire antique.
Faire du latin et du grec rend plus intelligent (de « inter-legere » = discerner entre) et ouvert à la profondeur de notre espace culturel : ce sont des continents à découvrir et des outils qui permettent d’interpréter les événements contemporains avec davantage de recul et de jugement. D’ailleurs, le latin et le grec ne sont pas l’apanage des établissements scolaires de centre-ville mais sont présents dans les collèges de banlieue, précisément parce qu’ils apportent ce luxe de la culture qui est trop souvent absent de ces quartiers.
Pour susciter et stimuler la motivation pour le latin et le grec, diverses actions sont menées : l’enseignement conjoint des deux langues dès la 5ème sous une forme plus ludique, des voyages archéologiques, des pièces de théâtre montées en latin, le prochain Festival Européen Latin Grec* – qui aura lieu à Lyon en mars 2022-, des concours entre classes de latin et grec. Car l’enseignement de ces langues est encore capable de susciter du dynamisme et des initiatives chez les professeurs et, par contagion, chez leurs élèves.
Priver les élèves d’un enseignement de latin et de grec, c’est renoncer à leur offrir cette possibilité de comprendre comment s’est constitué le champ culturel qui les environne. Pour que l’apprentissage des langues anciennes ne soit pas définitivement évacué de l’école, les parents doivent épauler les professeurs et exiger que ces enseignements figurent dans l’offre des établissements et restent accessibles à leurs enfants partout en France.
Brigitte et François Lagnau, professeurs de lettres classiques, Lyon
*La 16e édition, intitulée « Œdipe & Cie », se déroulera du 23 au 26 mars 2022 à Lyon et mettra à l’honneur Œdipe Roi de Sophocle.