Avec la mise en place de l’accompagnement personnalisé au sein des lycées, avec le développement du conseil et du coaching, le jeune lycéen dispose aujourd’hui de plus en plus de moyens pour connaître les métiers et les formations qui y conduisent. Depuis le Centre d’information et d’orientation de son établissement jusqu’au Mondial des Métiers qu’organise la Région Rhône Alpes à Eurexpo, en passant par les CIO, le salon de l’étudiant, les journées des lycéens, les forums carrières du Rotary Club, les initiatives d’aide à l’orientation se multiplient d’année en année. Et c’est une chance considérable pour nos jeunes lycéens de pouvoir découvrir ainsi les métiers d’aujourd’hui et d’envisager ceux de demain.
Mais cette chance peut se transformer en cauchemar, si le jeune élève manque de repères – « trop de choix tue le choix » ou s’il doute tellement de ses capacités qu’il voit ou s’imagine voir toutes les portes se fermer les unes après les autres. C’est notamment le cas des jeunes dits « multi dys » (dysorthographiques, dyscalculiques, dyspraxiques …) voire en situation de handicap.
Par delà la question du choix d’un métier et d’une filière de formation, c’est la question du sens que chacun va trouver à sa vie, la question de sa vocation professionnelle, de sa vocation personnelle.
Il est clair que là se joue une carte essentielle de nos établissements catholiques d’enseignement, dans toute leur diversité : aider les familles à discerner la voie la meilleure pour chaque enfant et accompagner ce dernier afin qu’il acquiert le goût de donner le meilleur de lui-même durant son temps de formation et ensuite toute sa vie d’adulte. Combien nous aimons entendre tel ou tel ancien avouer au soir de sa vie que c’est à l’école de son enfance, chez les Salésiens, les Jésuites, les Frères des écoles chrétiennes, les Maristes ou les Dominicains, qu’il doit la réussite de son existence. Une école qui aura inculqué des valeurs fortes : non la vie n’est pas absurde, elle vaut d’être vécue pleinement. Elle a un sens. L’enjeu pour toi est de le découvrir. Chasse au trésor, jeu de piste pour trouver l’essentiel absolu ? Si l’on veut. En tout cas, toutes les grandes traditions spirituelles ont été interprétées de cette manière. Elles sont, chacune à sa façon, un chemin vers la « vérité de la vie». Cette vérité de la vie, dont l’ancien élève, quatre-vingt ans plus tard, attestera la réalité, ne peut être rayée d’un coup de plume. Aux jeunes gens qui frappent aux portes de l’école, avec une belle lettre de motivation, « depuis toujours, j’ai voulu m’occuper des autres, devenir assistante sociale ou infirmière », j’aime à rappeler les règles de discernement que Saint Ignace de Loyola a mis sur le papier durant sa retraite à Manrèse. Lorsque nous avons des choix à faire, des décisions à prendre, nous sentons bien que tous les chemins possibles ne se valent pas. Non seulement tout ne se vaut pas, mais tout ne nous fait pas vivre. Il y a des expériences qui nous donnent un sentiment très net d’être vivant et acteur. Et d’autres, à l’inverse, qui nous donnent l’impression d’être éteint, sans force, sans joie. C’est ce que l’auteur inspiré des « Exercices spirituels » appelle la consolation (dans le premier cas) ou la désolation (dans le deuxième cas).
Il va de soi que la « vocation » c’est ce qui, dans une personne, l’oriente du côté de la Vie, lui donne du dynamisme et de la force pour avancer et pour surmonter les obstacles.
Sens de notre vie, conviction intérieure, la vocation est par définition propre à chacun. Elle est « personnelle » avant d’être professionnelle. C’est même ce qui personnalise chaque être. C’est sa réponse propre à l’appel de la Vie en lui. Cette vocation personnelle est de l’ordre de l’essentiel. Comment accéder à cet essentiel ?
C’est à travers les expériences de l’existence que cela se fait. Expériences marquantes de la vie quotidienne : la rencontre d’un artisan passionné par son métier, d’une infirmière entièrement vouée à soulager les souffrances, d’un professeur enthousiaste sachant éveiller les intelligences multiples de ses élèves, d’un religieux à la joie contagieuse.
Il y a aussi ces expériences cruelles de la vie dont on se serait bien passé – accident, handicap, maladie – qui peuvent soit « briser » la personnalité, soit la « bronzer », lui donner force et une impulsion nouvelle. Nos élèves qui ont eu la chance d’assister aux Jeux Paralympiques de Londres en septembre dernier sont revenus émerveillés de ce qu’ils ont vu et entendu de ces athlètes de haut niveau qui ont su faire de leur handicap un atout. La leçon de vie qu’ils ont reçue à cette occasion les marquera en profondeur.
La vocation « métier » que nos lycées professionnels ont pour mission de développer n’est en fait que la façon professionnelle de vivre sa vocation.
Le champ « métier » est un lieu particulier d’exercice de sa vocation. Mais la vocation est plus vaste que le métier. Le métier peut évoluer, voire disparaître dans sa forme actuelle.
L’important, c’est de découvrir et de cultiver sa vocation. Cela revient à développer en soi le meilleur de soi, au service des autres. Servir, dans le sens noble du terme, c’est offrir à d’autres le meilleur de soi, donc le plus vivant : vocation. Les autres sont les témoins de nos vies. Ce sont eux qui peuvent attester que notre service les amène eux aussi à donner le meilleur d’eux-mêmes et à progresser du côté du Vivant.
François Jeanselme,
Directeur Don Bosco, Lyon (69)
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